Le paradoxe communal
Les débats sur le
«mille-feuille
administratif»
se focalisent sur
le sort
du département Au
point
d'éclipser la disparition
programmée
de la commune.
Avec 36685 communes, la France connaît un découpage unique
en Europe. Nées sous
la
Révolution sur la base des anciennes paroisses (d'où l'expression des «querelles de clochers »), les
communes sont autonomes
depuis
1884. Ce sont les plus petites subdivisions administratives, mais elles ont
développé
chez
leurs habitants un fort sentiment d'attachement et de proximité. Et ce
sentiment,
même si
c'est paradoxal, est d'autant plus fort que la commune a le moins d'habitants. Or 31927 communes ont
moins de 2000
habitants,
dont un tiers moins de 200.
La situation semblait
immuable, mais les
lois sur
la décentralisation, de Déferre à Chevènement et Raffarin, ont eu pour effet de rogner
considérablement les pouvoirs du maire. L'évolution n'a pas toujours été perçue par les
édiles, mais elle est devenue inéluctable.
Le basculement s'est effectué avec la volonté des pouvoirs publics
de pousser chaque
commune
à faire partie d'une intercommunalité. Communauté de communes, communauté
d'agglomération, syndicat
mixte...,
les formules sont variées, mais les préfets veillent, avec des pouvoirs étendus, à ce que chaque
commune adhère à un EPIC
(établissement
public de coopération inter-
Communale).
Cette structure est pertinente à l'échelon d'un
territoire, tant la gestion du quotidien est devenue complexe, pour le traitement des
ordures ménagères, pour
les
écoles primaires ou encore l'entretien des routes, a fortiori depuis que les
services
de
l'équipement se dégagent de l'assistance technique aux communes.
Rien d'étonnant de ce fait à voir, peu à peu, les
conseils
municipaux
renoncer à des compétences importantes au profit de l'intercommunalité, comme la voirie ou le
logement.
Même
l'aménagement de leur territoire va leur échapper, avec le renforcement des «Scot» (schéma de
cohérence territoriale)
à
l'échelon d'un bassin de vie et la volonté du législateur de prévoir des PLU (plan local d'urbanisme)
intercommunaux, sans oublier l'arrivée des métropoles.
La gestion
administrative ne se décide plus lors des réunions du conseil municipal, mais dans les services
intercommunaux. Les
pouvoirs
du maire sont rognés, y compris dans les grandes villes. L'élu local est souvent en conflit avec les
décisions de l'intercommunalité, comme on peut le constater dans les intercommunalités
autour de Montpellier
ou de
Marseille, sans parler des débats sur le « Grand Paris », dont l'enjeu est de savoir
si les
communes
qui en feront partie auront encore une existence réelle, ne pouvant décider ni de l'utilisation de
leurs réserves foncières,
ni des
transports en commun, ni des équipements publics... D'autant, et c'est un enjeu crucial, qu'une fois
fondue dans une intercommunalité, la commune perd le libre usage de la taxe
professionnelle (ou de l'impôt qui va la remplacer).
Le maire et son conseil ne sont plus que les
exécutants d'une partition qu'ils n'ont pas écrite. La commune traditionnelle existe
certes
encore,
mais elle est vidée de son contenu. Et c'est l'ironie de l'histoire si l'on se
souvient
que
c'est notamment pour elle que les Français ont fait une Révolution et tant de révoltes.