La vie de Saint Bonnet - Evêque de Clermont
La vie de Saint Bonnet est décrite dans un
manuscrit1conservé à la
bibliothèque de Clermont-Ferrand. Il a été écrit par un moine du monastère de
Manglieu (63).
L’Eglise interviendra dans notre région dès le
Ve siècle après la construction de l’église de Clermont.
Pour
notre commune, l’histoire se découvre à partir du IXe siècle grâce au cartulaire de Beaulieu2.
L’évolution du nom : on
retrouve tout d’abord le nom latin, Bonitus3
qui deviendra Bonitius pour Pierre de Natales puis Bonifacius pour Maurolycus.
Quelques textes le nomment, Eusebius, d’autres Bonus mais c’est en Auvergne
qu’il deviendra Bonet et définitivement Bonnet.
L’abbé
Lafarge nous décrit les événements qui permettent de mieux cerner la motivation
de l’Eglise pendant cette période :
« Il faut rappeler d’abord qu’à
l’époque où fut construite l’église de Saint-Bonnet (les parties les plus
anciennes remontent à la fin du XIIe siècle) l’organisation des paroisses
n’existait pas telle qu’elle se présente aujourd’hui. Elles existaient en tant
que centre religieux et formaient souvent un prieuré4. C’était le cas de Saint-Bonnet. Il faut ajouter que
notre région dépendait de l’Evêché de Clermont.
Celui de Saint-Flour ne fut créé qu’en 1317. Il est donc naturel, de
croire que le saint choisit comme titulaire de notre église soit un saint connu
à Clermont. »
1)La Vita Sancti Boniti 2) les
textes de l’abbaye de Beaulieu datent de l’an 855.
3) latinisation du nom d’un chef
franc (272-337)
4) monastère subordonné à une abbaye
plus importante
5) Sigebert III sera assassiné le 1er
février 656, à l’âge. de 26 ans 6) né en 655, fils cadet du roi Clovis II et
de la reine Bathilde, il accède au trône d’Austrasie à l’âge de 8 ans.
Sa position lui permit de donner une nouvelle
impulsion à l’école épiscopale de Saint Quintien7 ou se retrouvaient les jeunes clercs de l’Auvergne et
des provinces voisines. Cette impulsion codifia de nouvelles Missions et la création
de retraites pastorales. En donnant des conférences sur les canons de l’Eglise,
il permit au clergé l’envoi de prêtres formés pour relever la foi du peuple
dans toute notre région. Le comte Genès qui gouverna l’Auvergne au nom des rois
francs permit à Bonnet la restauration de plusieurs monastères. L’abbaye de
Menat8 (voir
photo) dont Bonnet présida à la restauration servit d’asile à Ménélée qui la
restaura et permit d’entendre les échos des saintes psalmodies des enfants de
Saint Benoit. Dans l’année qui suivit, l’évêque consacra l’église de ce
monastère à saint Martin. Héritier d’un riche patrimoine, notre évêque employa
toute ses ressources dans les œuvres de miséricorde mais aussi dans
l’embellissement des églises. Il recevait tous les indigents, les consolait et
relevait leur courage par de saintes exhortations. On disait qu’il suffisait de
porter les haillons de la misère pour avoir droit à toutes ses prévenances, à
toutes ses faveurs. Sa charge pastorale ne l’empêchait pas de jeuner pendant
plusieurs jours, s’astreignant au silence, il devint sage parmi les sages. Il
célébrait la sainte messe, après se dépouillant de ses habits pontificaux, se
retirait dans le coin le plus sombre de l’église pour méditer sur la misère du
monde. C’est dans la basilique de Saint-Michel-Archange, une petite église romane
située au nord-ouest de la cathédrale de Clermont, la veille de la solennité de l’Assomption de
la très sainte vierge qu’il vit la vierge pour la première fois. Au milieu
d’une éclatante auréole, la bienheureuse vierge s’avançait entourée d’une
multitude d’anges. Elle demanda à notre évêque de célébrer la messe. Cet épisode
fut mis en vers au XIIe siècle par un poète d’Angleterre. Ce récit
se compose de 128 vers et une édition imprimée a été réalisée en 1557 à Paris.
Bonnet fit de nombreux miracles : par la seule imposition des mains, des
aveugles ouvraient les yeux à la lumière ; des boiteux voyaient leurs
membres se redresser ; des possédés étaient délivrés du démon. Revenant
d’un voyage, un boiteux se porta sur son passage, le suppliant de poser les
mains sur son mal. Il n’eut pas plutôt tracé le signe de croix sur le membre
malade que la jambe brisée se redressa. Lors d’une grande sécheresse, le
bienheureux passa la nuit à prier et avec le jour vint une pluie bienfaisante
sauva toutes les récoltes.
Les affligés
accouraient vers lui, tous soulagés et consolés. On recueillait précieusement
l’eau qui avait servi pendant la messe, elle possédait des vertus miraculeuses.
Cette utilisation de l’eau créa dans plusieurs provinces une reconnaissance de
Bonnet comme le patron des fabricants de poterie de terre. On a longtemps conservé
à Clermont un vase de cette matière où le saint s’était lavé les mains.
7) Evêque de Clermont en 515, décédé en 527 8) L'abbaye (Puy de Dôme) est fondée
sous Clovis. Ruinée, elle est reconstruite et réformée à la fin du VIIe siècle par l’abbé
Ménélée, venu d’Anjou fuir ses parents qui voulaient le marier. A
la suite d’une vision, il s’installe à Ménat, meurt le 22 juillet 720.
Le récit de ces
merveilles se répandait au loin. Dans une des iles que baigne la mer de
Bretagne, vivait Blanda, elle était riche mais infirme. Aveugle et paralysée,
elle se fit transporter auprès du pontife qui pria avec ferveur. La guérison
fut immédiate, Blanda se retira dans un monastère de femmes du vallon de Royat.
Pendant dix ans, notre saint gouverna l’Eglise d’Auvergne, mais le fait que son
frère Avit soit intervenu dans sa nomination le gênait. Ce problème de
conscience le poussa à consulter Saint Tillon (Till)9, alors renommé dans
une grande partie de la chrétienté pour sa science, sa vertu et la sagesse de
ses décisions. Cet illustre solitaire avait passé de longues années dans son
diocèse, à Brageac, au milieu des montagnes de la Haute Auvergne. Parvenu à une
grande vieillesse, il s’était retiré dans une cellule du monastère de Manglieu.
Il écouta le récit des peines et des scrupules du pieux évêque, le rassurant
sur sa promotion à l’épiscopat et ne put que louer son retour à une vie plus
simple. Bonnet donna sa démission, partit pour le monastère de Royat ou il
passa quelques temps avant de rejoindre Manglieu. Malgré son désir de vivre
ignoré, sa charité l’obligea de sortir une dernière fois du silence et la
réserve qu’il s’était imposé car les doctrines hérétiques de Jovinien (inutilité de la pénitence) et celle de Novatien
(inutilité de la virginité) se répandaient dans les Gaules. Bonnet s’éleva
fortement contre ces erreurs et contribua puissamment à les extirper de
l’Auvergne. A ce sujet, un savant traité composé par lui sera conservé à
Manglieu. Avant de rendre son âme à Dieu, il distribua aux pauvres le peu qu’il
lui restait et partit accomplir un pèlerinage à Rome. En cours de route, il
réconcilia l’archevêque Godon et le gouverneur de la province de Lyon. Après
quelques jours de repos au monastère de l’Ile-Barbe, le pieu pontife reprit son
voyage et atteint Agaune dans le Valais ou il vénéra
les reliques des martyrs de la Légion Thébaine10. A son arrivée à Pavie, il fut accueilli avec grands
égards par Aripert, roi des Lombards. Quelques jours
auparavant, la ville fut assiégée par une armée nombreuse et Aripert attaqua courageusement ses adversaires, il attribua
cette victoire aux prières de Bonnet qu’il combla d’honneurs et de marques de
vénération. Ensuite, le pieu voyageur se dirigea vers la mer et s’embarqua pour
arriver au plus tôt. Le navire essuya une furieuse tempête que Bonnet apaisa
avec de ferventes prières. Il débarqua sur les côtes romaines et se dirigea
vers la ville éternelle où il se prosterna sur le tombeau des saints Apôtres.
Il reçut la bénédiction du pape Jean VII11
puis visita les célèbres sanctuaires, les majestueuses basiliques qui lui
rappelaient tant de souvenirs à son cœur d’évêque et de chrétien. Il descendit
dans les catacombes, s’agenouilla dans l’enceinte des arènes et répandit ses
larmes sur ce sol que tant de martyrs avaient arrosé de leur sang. Il
recueillit quelques parcelles de poussière et quelques gouttes de l’huile qui
brûlait devant les tombeaux des Saints. De
retour, il demanda l’hospitalité au monastère de Saint-Pierre de Lyon. Il y
passa les quatre dernières années de sa vie, dans la retraite la plus absolue. Pendant
les derniers mois de son existence, il fut tourmenté par de violents accès de
goutte qu’il supporta sans jamais proférer de plainte.
9) Ermite pendant plusieurs années à Brageac, il
retourna vers Solignac pour achever sa vie en 702. 10) Il existait à cette
époque une légion de soldats de 6 500 hommes, qu’on appelait les Thébains. 11) 86eme
pape de l’Eglise catholique.
Bonnet décéda le 15 janvier de l’année 708 ou
710. Une multitude de fidèles accoururent pour honorer le saint homme. Pendant
que l’on portait sa dépouille dans l’église du monastère de Saint-Pierre à Lyon,
une femme paralysée se fit transporter sur le passage du cortège et après avoir
touché le cercueil, se releva guérie. Son tombeau devint le théâtre de nombreux
miracles. Quelques années plus tard, vers 720, Proculus
qui avait remplacé Bublus, successeur de Nordbert demanda le retour du corps à Clermont. Fulcoald, qui gouvernait alors, l’église de Lyon céda après
avoir reçu des signes du ciel. Le retour fut une marche triomphante, l’auteur
de la vie de saint Bonnet, qui faisait partie de cette ambassade raconte les
honneurs extraordinaires reçus au passage des saintes reliques. Sous les
remparts de la cité de Clermont, à l’entrée de l’antique faubourg des
Chrétiens, l’évêque de Clermont, accompagné du clergé vint à sa rencontre. Il
baisa et arrosa de larmes de joie la châsse qui contenait le corps de son
glorieux prédécesseur. C’était le 6 juin, jour qui fut désormais consacré dans
toute l’Auvergne à fêter ce solennel anniversaire. L’antique église de Saint-Maurice
perdit bientôt son nom, pour prendre celui de Saint-Bonnet. Ce lieu devint le
centre d’un pèlerinage très fréquenté. Le moine de Manglieu cite plusieurs
miracles, il raconte entre autres, la guérison d’un pauvre aveugle nommé Géronius qui était venu du fond de sa Bourgogne retrouver
la lumière sur le tombeau du saint. A l’aube de la première croisade, vers
1095, le corps fut déplacé pour la cathédrale. Sur le rétable
brillait un riche reliquaire en argent doré garni de pierres précieuses
renfermant la tête du saint. A la révolution, cet œuvre d’art fut détruite et
les saintes reliques dispersées. Une main pieuse put recueillir quelques
parcelles qui allèrent enrichir la chapelle du pensionnat des frères de
Clermont, celle des religieuses de la visitation de la même ville, les églises
paroissiales de Miremont, de Paugnat et de Saint-Bonnet-sur-Allier. L’église
d’Auvergne a toujours regardé saint-Bonnet comme l’un ses principaux
protecteurs. Dans les plus vieux textes de la liturgie clermontoise, nous
trouvons son nom dans presque tous les martyrologues (textes des martyrs),
notamment dans ceux de Bède, d’Adon, d’Usuard et dans
plusieurs manuscrits très anciens. Outre la fête principale célébrée le 15
janvier, on solennisait le 6 juin, la translation de ses reliques. En Auvergne
et dans beaucoup d’autres diocèses de France, notre illustre pontife a laissé
des traces profondes. Plus de trente chefs-lieux de communes, portent encore
son nom. Le bréviaire d’Estaing renferme deux gravures dans lesquelles le Saint
est représenté à genoux au pied de l’hôtel, recevant une chasuble des mains de
la Sainte Vierge.
Bibliographie :
arhives Jules Raymond – bulletin du centre d’études
médiévales d’Auxerre. Bibliothèque de
Clermont – Internet.
Gérard Pinski